Cabinet de curiosités | Rendez-vous insolite à Landerneau


Cet été, Monsieur et moi-même avons réservé une partie de nos vacances à la visite d'expositions.
Il y en a une, toujours en présentation, qui nous a particulièrement plu. Je vous en parlais dans ma chronique de juin dernier, mais à l'époque, j'étais comme vous, je ne m'y étais pas encore rendue.
Une question se pose. Apprécieriez-vous flâner librement dans une scénographie originale ? 



Depuis que nous en avions discuté à nos réunions entre aquarellistes, je n'avais qu'une idée en tête depuis mai : partir à la découverte des Cabinets de Curiosités aux fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture à Landerneau (Finistère 29)
Monsieur était au parfum : « S'il n'y en a qu'une (exposition) à faire, ça sera celle-là ! »
Puisque nous sommes entre amis, je peux vous faire une confidence. Monsieur a la fâcheuse tendance à oublier ses promesses... Je suis donc à ses côtés pour les lui rappeler. 
Dans le cas présent, aucune négociation possible. La Bête est féroce et ne démord que rarement. 

Scarabattolo par Domenico Remps, 1690

Vendredi 16 août 2019

Je me jette hors du lit avec une énergie rare. J'enfile le petit déjeuner et je me presse dans la salle de bain. 
Nous en avons pour environ 1h30 de route et une centaine de kilomètres. Autant dire que nous sommes juste à côté. 

Arrivés sur place, et après une légère fouille, quelques personnes attendent à nos côtés. 
Le ciel se voile et le fond de l'air est humide. Quelle chance que nous soyons à l'intérieur (ça, on se l'est dit en sortant, lorsque pluie battante, des dizaines de k-way s’agglutinaient devant les guichets)

Crâne de la faculté de Médecine de l'Université de Montpellier

Lieu essentiel de la culture

Un cabinet de curiosités se place au carrefour de l'art et de la science où  l'on expose des choses rares, nouvelles et singulières. L'exposition proposée ici en montre différentes expressions et interprétations. Que l'on soit passionné d'histoire, d'art ou amateur de bizarreries, il est à parier que ces univers sauront se frayer un chemin jusqu'à votre imaginaire. 


16 lieux, 16 ambiances 

Les seize cabinets de curiosités présentés à cette exposition. Un mini-livret vous sera confié à l'entrée afin de vous guider dans ce dédale conçue et dessinée par Jasmin Oezcebi.  

Respectivement, vous retrouverez : 
A1 Prélude – Museo dell'Opificio delle Pietre Dure (Florence)
A2 Galerie des Offices, Trésor des Grands-Ducs (Florence) – Galerie Kugel
A3 Réunion des Musées Métropolitains, Musée des Arts de du Fer Le Secq des Tournelles (Rouen)
B1 Muséum national d'Histoire Naturelle
B2 Muséum national d'Histoire Naturelle
B3 Théo Mercier
C1 Le collectionneur inexistant
C2 Faculté de Médecine de l'Université de Montpellier, Conservatoire d'Anatomie
C3 Antoine de Galbert
D1 Musée de la Chasse et de la Nature (Paris)
D2 Collection Émile Hermès
D3 Miquel Barceló
E1 François Curiel, Andreas Gursky
E2 Mucem, Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée
E3 Jean-Jacques Lebel
F    Jacques Attali



L'aventure commence

Quelle toile aurait pu le mieux représenter cette exposition que Scarabattolo de Domenico Remps (1690) ?
Un aperçu de ce qui attend le visiteur au cœur de ces 1000m² de connaissances et d'étrangetés... 
A peine avons-nous pris le temps de contempler cette œuvre que l'ambiance feutrée nous invite à l'immersion dans ces univers fantastiques. 
Je dégaine mon téléphone portable pour plus de praticité. Je crois que j'aurais dû lui préférer l'appareil photo, plus puissant dans les scènes sombres et estompeur de reflets...






Insectes sous cadre du Musée National d'Histoire Naturelle


Mes coups de cœur...

Nous sommes tous deux happés par les merveilles du Muséum d'Histoire naturelle. Je crois que « Merveilles » est le mot qui convient le mieux ici. Entre insectes, fossiles, coquillages, squelettes et habits de plumes, minéraux et autres herbiers si chers à mon cœur. Le Naturalia, c'est-à-dire les objets d'histoire naturelle des trois règnes (animal, minéral, végétal) reste incontestablement dans mes préférences. 

Planches d'herbiers du Musée National d'Histoire Naturelle

J'ai pour objectif dans les mois à venir, de me confectionner un herbier. J'aime les herbiers et je possède quelques livres sous cette forme. Malheureusement, je n'ai encore jamais osé franchir le pas. Ne me demandez pas pourquoi, je ne saurai vous répondre. Je me crée parfois mes propres murs. Mais comme chacun le sait, un mur n'est pas infranchissable et peut toujours s'escalader. 
Malheureusement, je ne peux tout vous poster dans cet article, et c'est pourquoi, je vous invite à découvrir cette exposition avant le 3 novembre prochain. 

Minéraux du Musée National d'Histoire Naturelle

Coquillages, fossiles et insectes du Musée National d'Histoire Naturelle


Je voulais ne sélectionner qu'une ambiance à l'origine. Et comme souvent, je me laisse déborder !
La minutie et l'élégance des horloges à automates, des trésors d'orfèvrerie et d'ingéniosité, de véritables chefs d'oeuvre de technologie pour l'époque. 
Le Char de Bacchus est une pièce impressionnante ! Si je l'ai souvent admirée à travers un écran, ce vendredi, elle était là. Cette horloge à automate si imposante se tenait devant mes yeux éblouis par tant de majesté. 
Pourtant, c'est le Bacchus sur un tonneau qui m'a le plus séduite ce jour-là. Peut-être sa bonhomie malicieuse et son levé de coude des plus élégants ? 
Bien sûr, l'horloge figurant le lion au pas ravit mes mirettes ainsi que l'horloge figurant un dromadaire monté.
Chaque pièce mérite le coup d’œil. Et les œuvres d'Ambroise Paré dans ce même espace valent le détour. 

Horloges à automates de la Renaissance de la Galerie Kugel


Au Musée de la Chasse, l'art est venu parfaire la nature... Ici, je suis impressionnée par la figure de la Licorne notamment, omniprésente dans les anciens cabinets de curiosités. Cette corne symbolisée par une défense de narval, longue et interminable, placée sur cette tête de cheval en bronze de Saint Clair Cemin. Puis, par l’œuvre de Julien Salaud et son sanglier avec deux faisans sur le dos. 
Enfin, et là, je dois dire que Monsieur et moi-même sommes restés longtemps en admiration devant lui. Lui, c'est le Dieu de la Forêt de Janine Janet, en plâtre et écorce de bouleau. Il date de 1957 mais n'a pas pris une ride. Comme tout Dieu, il est immortel et insaisissable... Un sacré coup de cœur !

Licorne, Faisanglier et Dieu de la Forêt du Musée de la Chasse et de la Nature

Ce qui m'a déstabilisée ?

Incontestablement, le Buste momifié grandeur nature de Germaine D. Si Monsieur reste fasciné par cette femme à barbe comme étant une pièce incroyable à ses yeux, de mon côté, je me suis sentie particulièrement bouleversée par ce buste. Je m'interroge encore aujourd'hui car elle a suscité en moi de vives émotions. Si intenses, qu'il m'a fallu quitter la salle, la joue humide, et encore à l'écriture de ses lignes, mon malaise ressurgit. 
Je suis curieuse de nature, mais pas voyeuriste. J'aime les cabinets de curiosités et si j'osais, mon humble demeure en serait un reflet. Cependant, je ne suis pas à l'aise avec le fait d'exhiber les êtres. De leurs vivants, comme de leurs morts. Je me demande si elle fut heureuse, si elle et ceux qui furent exhibés d'une manière ou d'une autre, ont apprécié la vie, cette vie. Que pensaient-ils de ces admirateurs insolents ?
J'aurai aimé la connaître. Elle, ce qu'elle était et non ce pour quoi elle était exhibée. Je m'interroge. Qu'aurait-elle pensé de cette énième exhibition ? 

Buste momifié, grandeur nature, de Germaine D. Femme à barbe.


Des milliers de questions en suspens virevoltaient alors dans ma tête pour le reste de l'exposition. Elle me mettait face à moi-même et, d'une certaine manière face à mes contradictions. Le goût de l'étrangeté et le respect dû. La frontière est mince... L'exhibition à tout va ou le puritanisme hypocrite ? Où commence le voyeurisme ? Bref, c'est un autre sujet. 
Je ressentais la même chose face au masque d'infamie, sensé infliger une punition tant spirituelle que physique. Cet enchevêtrement d'idées et de sensations me laissent sans voix. 

Corps, dit "Corset de fer" et Masque d'infamie (XVIe siècle)

Ce que je n'ai pas aimé

Un détail... Qui pour moi s'apparente à une hérésie (Ah ouais, carrément !). 
A ce stade, vous vous dites peut-être (en connaissant la Bête) « Ah, ça y est, elle chipote ! ». Auquel je vous répondrais : « Mais non, nom d'un chien ! La ! »
Peut-être que l'un ou l'une d'entre-vous aura une explication à me fournir, auquel cas, je vous en remercie d'avance. 
Je ne comprends pas le fait d'avoir collé des étiquettes à code-barres et autres QR code sur les planches d'herbiers. Oui directement dessus ! Ah non mais il n'y a que moi qui suis choquée par le fait qu'on puisse apposer un truc infâme qui ne ressemble à rien, bourré de solvants (bah si quand même) directement sur un papier ancien ? Et ne me parlez pas de reconnaissance du smartphone. La technologie, c'est bien, mais inutile de risquer de gâcher une planche pour ce genre de conneries choses... Déjà que sur un cadre, je râlais. Notamment pour un souci esthétique (puisqu'un cabinet de curiosité est censé représenter un certain esthétisme, autant le conserver jusqu'au bout, non?!). Imaginez lorsque j'ai découvert les autocollants à même les feuilles... (Ouais, elle est remontée comme un coucou la p'tite Bête !). Bref, c'est le point noir. N'aurait-on pas pu trouver une autre façon de faire ou de coller ces étiquettes à un endroit plus approprié ?
En parlant de point noir, et même si j'apprécie les décors intimistes, à certain moments, ça me paraissait fastidieux de naviguer entre les amateurs d'art et de sciences... (C'est sûrement la Taupe qui parle là, ah, ah). Sans compter que la qualité des photos s'en ressent forcément...

Heurtoir de porte dit "à têtes de faune et d'aigle" (XVIe siècle), Anneau de porte dit "Au mufle de lion et à la tête d'enfant" (XVIe siècle), Heurtoir de porte dit "Au mascaron feuillu" (XVIIIe siècle), heurtoir de porte à l'ours de Berne (XVIIIe siècle)


Vanité de Stéphane Pencreac'h

Matrice mâle ou modèle pour une médaille célébrant l'union de Louis XVI et de Marie-Antoinette par Pierre-Joseph Lorthior (1779)


Conclure en beauté

Je ne vous ai pas tout livré dans cet article. Et pour cause ! Il vous appartiendra de vous rendre à Landerneau et de juger par vous-même de cette exposition où les crânes, rappel au caractère inévitable de la mort, côtoient les clefs sculptées ouvrant sur des univers plus ou moins éloignés. Toutes ces pièces maîtresses convergent vers les sabliers de la collection particulière de Jacques Attali, fabuleuse allégorie du temps qui jamais ne revient et qui pourtant traverse les âges. 
Je conclus ainsi cet article en vous remerciant de m'avoir lu et en espérant vous avoir donné l'envie de découvrir ces cabinets de curiosités dans mon Finistère de cœur... 

Collection de sabliers de Jacques Attali


« La seule chose vraiment rare, c'est le temps. » Jacques Attali



Vous aimez cet article ? Épinglez-le sur Pinterest ↴

2 commentaires:

  1. La Matrice mâle est un vrai chef d'oeuvre. Les planches d'herbier et la collection d'insectes sont vraiment ce que je trouve le plus fascinant. Il est chouette ce cabinet, merci pour ton petit reportage car je n'aurais pas l'occasion de m'y rendre ^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne peux qu'être d'accord avec toi. Je ne me suis encore jamais rendue dans un muséum d'histoire naturelle, mais très honnêtement, j'adorerai ! Il y a tellement de merveilles à découvrir, je ne m'en lasse pas.
      Oui, j'ai eu peur de ne pas pouvoir y aller, mais me voilà rassurer. C'était une exposition que j'attendais avec impatience ;)

      Supprimer